Naissance
- cedricgolmard
- 6 juil.
- 2 min de lecture

J’allai partir. M’arrêtant juste après le portail, je jetai un œil au champ, de l’autre côté de la route, et je fus intrigué par cette vache isolée non loin de la clôture. Elle se tenait debout tandis que toutes les autres étaient allongées, une centaine de mètres plus loin. Derrière elle, il y avait quelque chose de brun que je ne distinguais pas bien. Elle semblait brouter paisiblement l’herbe brûlée par les quelques jours de forte chaleur que nous venions de connaître.
J’allais partir lorsqu’elle fit un mouvement de tête, me laissant voir que ce qu’elle mangeait ne poussait pas vraiment dans le champ. Une longue bande de quelque chose de blanc, brun, rouge sombre. Et peut-être un peu gluant. Alors, mon esprit assembla les pièces de ce puzzle insolite. Elle s’était isolée pour mettre bas. C’était son veau que l’on apercevait, dépassant à peine de l’herbe jaunie. Et ce qu’elle peinait à ingurgiter n’était autre que son placenta.
Je sortis de la voiture et m’approchai un peu, soudain inquiet de ne voir aucun mouvement derrière elle. Mais le veau remua une oreille. Puis secoua doucement la tête. Et il se mit debout. Tenant à peine sur ses pattes encore tremblantes, il fit quelques pas. Et même un petit saut. Et s’affala de nouveau au sol.
Sa mère acheva de se débattre avec son placenta et se tourna vers lui pour procéder à une toilette soigneuse. Il se remit debout, s’avança en chancelant vers les pis de sa mère. Puis changea d’avis et fit demi-tour. Un autre petit saut et il s’allongea de nouveau au sol. Un peu moins brutalement cette fois.
La mère le lécha encore quelques instants et je ne pu m’empêcher de voir dans ce geste une forme de tendresse maternelle. Le veau y répondit en s’étalant sur le côté.
La toilette terminée, la mère s’éloigna de quelques pas et lui jeta un coup d’œil. Comme il ne bougeait pas, elle s’arrêta pour brouter un peu. L’enfant ne semblait pas vouloir se lever et elle l’attendait patiemment. Et cela aurait pu durer.
Mais soudain, un milan piqua du ciel dans leur direction. Pas vraiment sur le veau, mais sur l’endroit où s’était trouvé le placenta. Beaucoup trop proche pour la mère qui réagit immédiatement et chargea l’oiseau, le forçant à s’échapper vers le ciel avant d’avoir pu toucher le sol.
Comme aiguillonné par l’alerte, le veau se redressa et se rapprocha de sa mère. Et tous deux rejoignirent lentement le troupeau qui n’avait pas bougé. L’enfant marchait un peu en crabe, ne maitrisant pas encore tout à fait les quatre échasses qui lui servaient de pattes. Et la mère avançait d’un pas lent et mesuré pour rester toujours à côté de lui.
Je m’étais attendu à ce que les consœurs de la jeune mère se lèvent pour la féliciter et accueillir le nouveau-né. Mais il n’en fut rien. L’enfant intégra le troupeau sans tambour ni trompette, comme s’il en avait toujours fait partie. Et la vie poursuivit son cours.
Et tandis que les milans tournaient au-dessus du champ, scrutant avec attention les lieux de l’évènement du jour, je remontai en voiture et m’éloignai doucement, tout ému d’avoir pu assister à cette scène touchante.
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